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dimanche 15 mai 2011

Mise en abîme

Lors de notre passage à Thessalonique en Octobre dernier nous avons rencontré Michaelis, jeune journaliste, qui mène un projet d’amélioration de la qualité de vie à Thessalonique dont nous avions parlé sur ce blog (Cf. notre chronique : Thessalonique une jeunesse impatiente). A l’époque, il nous avait proposé de faire un portrait de nous qu’il espérait faire publier dans l’édition dominicale d’un grand quotidien national grec. Nous avions accepté et nous nous étions même prêtés au jeu d’une séance de photos avec un photographe professionnel (voir plus bas les photos de la séance photo). C’est ainsi qu’on s’était retrouvé un petit matin très froid à poser avec nos gros sacs, sur un ponton vermoulu au bord de l’eau. L’article a finalement été publié en avril dernier dans un mensuel régional et est illustré des photos que nous lui avions fournies et non de celles réalisées par le photographe professionnel... Aurions-nous été meilleurs que ce dernier ? Quoiqu’il en soit nous remercions chaleureusement Michaelis pour son travail qui, par ailleurs, nous met plutôt en valeur.

Et puis, à l’heure qu’il est c’est un bel exercice de mise en abîme que de lire cet article. D’abord parce qu’il nous permet de voir comment nous pouvons être perçus par les gens que nous rencontrons. Et puis, surtout parce qu’il nous donne à voir le chemin parcouru : l’itinéraire a été pas mal modifié, les publications sur notre blog se sont raréfiées (même si nous travaillons ardemment à pallier à ce problème) et la perspective du retour et les questions qui l’accompagnent se dessinent chaque jour un peu plus.
 
Nous publions ci-dessous une traduction de cet article (réalisée par Iliana Pistoli que nous remercions au passage) agrémentée de nos commentaires rédigés en rouge, avec toutes nos excuses à Michaelis pour avoir sauvagement malmené son texte (c’est tellement plus facile de détruire un texte que d’en écrire un !). Pour ceux qui parlent le grec (ou pas), vous pouvez consulter l’article en cliquant sur l'image ci-dessus, ou encore feuilleter le magazine Parallaxi du mois d’Avril dans lequel le portrait est publié, en cliquant ici.


Voyageurs en Méditerranée, par Michaelis Goudis

Peu avant que les Français ne descendent massivement dans les rues pour protester contre la politique de Nicolas Sarkozy, un jeune couple décidait de laisser sa vie à Paris pour se lancer dans une errance autour de la Méditerranée...

« En rentrant du boulot dans notre petit, mais trop cher, appartement, Chloé me disait souvent emmène-moi loin d’ici ! Alors, on a décidé en commun de partir cette année et de prendre un nouveau départ en voyageant ». Nous marchons avec Laurent Raffier et Chloé Renault sur la plage embrumée de Thessalonique et ils me racontent une histoire qui ressemble à un conte de notre époque.

Combien de couples prendraient le risque de quitter deux emplois bien rémunérés et une vie confortable... pour un voyage ? Peut-être du point de vue d’un jeune grec dont le pays est acculé par la crise, pour nous ça nous paraissait somme toute banal... Chloé me répond : « Ce n’est pas un simple voyage », et elle continue : « nous voulions changer nos vies radicalement, voir ce que nous pouvions faire d’autre ». Laurent ajoute : « c’est une expérience pour mettre à l’épreuve nos capacités et notre personnalité ». Lui-même a travaillé pendant quatre ans comme consultant pour une entreprise de sondages (bon, comme beaucoup d’autres, il a pas très bien compris, alors je répète : j’étais consultant en évaluation de politiques publiques, capice ?) et Chloé était responsable de relations publiques d’un théâtre à Paris (bon là on y est presque. C’est une compagnie de théâtre pour être exact). « On ne voulait plus que d’autres personnes profitent du résultat de notre travail », me disent-ils presque en même temps. Nous n’avons pas le souvenir d’avoir dit ça, mais c’est possible. Surtout que nos anciens employeurs se rassurent nous n’avons jamais pensé qu’ils aient pu voler le fruit de notre travail.

Leur volonté s’illustre aussi dans leurs actions. En septembre dernier, Laurent et Chloé ont quitté leurs obligations professionnelles et ont décidé de voyager autour de la Méditerranée. Toutefois, leur but n’est pas de faire du tourisme. Ou plutôt, ce n’est pas seulement le tourisme. Ils se considèrent comme des voyageurs et ils insistent beaucoup sur cette distinction entre touristes et voyageurs. Bon on développe pas la question, vous nous avez compris hein ? D’ailleurs, le programme de leur voyage confirme leurs arguments. Merci.


Photos de Michaelis Goudis
Les deux grands sacs à dos qu’ils portent avec eux ne sont pas pleins de vêtements, mais ils ont assez d’espace pour leur équipement qui comprend des caméras, des appareils photo, des carnets et des ordinateurs portables. Ouais, enfin faut pas exagérer, on a un ordinateur et un appareil photo pour deux que l’on se dispute régulièrement ! Et on a aussi quelques slips de rechange, quand même ! Ils donnent l’impression qu’ils ont commencé à faire un photo-reportage inspiré du maître d’espèce, Richard Kapisinsi. C’est qui lui ? Connait pas ! Ça doit être un Grec parce que même le Google latin n’a rien à nous dire à son sujet. En réalité, l’intention de Chloé et Laurent est de réaliser des portraits des résidents des pays méditerranéens afin de montrer les caractéristiques communes des peuples de la Méditerranée, ainsi que leurs différences. Bon à l’heure d’aujourd’hui, c’est pas vraiment gagné. Ils publient leurs observations sur leur blog intitulé « Chroniques méditerranéennes », où on peut voir des photos, ainsi que la route qu’ils empruntent grâce à une carte créée spécialement à cet effet.

Leur choix de voyager seulement en bateau a sa propre valeur sémiotique. Houla, un mot compliqué, heureusement on a fait science po. Evidemment, ça n’est pas toujours une mince affaire. « Pour aller au Liban, il va falloir peut-être voyager en cargo, mais ça ne nous effraye pas ... », me dit Laurent en souriant. Finalement on a pris l’avion, c’était plus simple ! Les cargos embarquant des voyageurs suivent des itinéraires bien précis qui ne collent pas avec le notre. Ce n’est pas seulement parce que le bateau est la meilleure façon pour faire l’expérience absolue du voyage, mais aussi parce que leur budget est sévèrement défini. « On a fait des économies pendant quatre ans et on espère que cet argent sera suffisant, sinon ça serait bien de travailler dans l’un des pays que nous traverserons », constate Chloé qui me confie qu’ils ont réussi à rassembler environ 25 000 €. Et voilà un secret bien gardé qui s’étale au grand jour, que vont dire les gens !


On n'a pas l'air con !
L’attitude de leurs familles et de leurs amis a conforté les voyageurs dans leur décision. «Tous étaient, ou du moins, paraissaient favorables», dit plutôt craintivement Laurent qui conserve encore des doutes à propos de sa famille et leur approbation de ce voyage qui place sa vie en dehors des cadres. Papa, Maman, ne m’en voulez pas. Pourtant, c’est peut-être la liberté qui pose les plus grands obstacles. Ça c’est bien dit. « De nos jours, on a l’habitude d’être dépendant de notre travail. Par conséquent, tu te sens un peu coupable parce que tu ne travailles pas et tu en arrives à te demander si tout abandonner était un bon choix... », cogite Chloé, au moment où Laurent, sûr de leur choix, affirme que « ce voyage est la meilleure façon d’atteindre bel et bien l’âge adulte ». Pas sûr qu’on ait déjà atteint l’objectif, ou même qu’on l’atteindra un jour. Peu après, au moment où Chloé prend une photographie du nouveau Conservatoire de musique de Thessalonique, Laurent me confie sa seule crainte : « c’est un peu bizarre que tous tes rêves dépendent d’un morceau de papier qui s’appelle passeport ».

Le voyage de Chloé et Laurent a commencé le 30 septembre 2010 depuis Paris. 7 mois et demi déjà ! Leur première destination a été Venise et après ils ont passé presque un mois en Grèce, au Péloponnèse, à Athènes, à Thessalonique et à Limnos. Leurs prochaines étapes sont Chypre (on n’y est pas allé finalement), la Turquie, le Liban, la Syrie, la Jordanie, l’Egypte (où nous sommes au moment où nous publions cet article), la Tunisie, le Maroc, l’Algérie  (où nous n’irons pas à cause de problèmes de visa) et l’Espagne.


3 commentaires:

  1. ALors là! Alors là! Nous faire passer pour de vieux schnocks c un peu fort !

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  2. Très chouette, cette mise en abîme ou les intervieweurs interviewés commentant les commentaires...

    Allez, je vous donne un petit indice pour le nom du mystérieux inconnu : Ryszard Kapuściński (forcément aussi, c'est un nom à dégouter les moteurs de recherche !). Ebène, mais surtout Le Shah et Le Négus sont de chouettes récits de cet écrivain reporter au long cours.

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